« Aimer les yeux ouverts », c’est aimer une personne en la considérant pour ce qu’elle est en réalité plutôt que comme l’on aimerait qu’elle soit. Cela est loin d’être toujours évident. Je me suis en effet rendu compte qu’il existe chez moi quelque chose comme une tendance à projeter sur autrui les qualités que j’aimerais trouver en une personne ou en un groupe de personnes à un moment donné de mon existence. Lorsque cette attente, envers personne ou groupe, se trouve déçue, je ressens une sorte de bouleversement intérieur difficile à décrire. Il me semble avoir détecté en moi les traces de la présence d’un tel phénomène dans plusieurs contextes institutionnels et interpersonnels distincts.
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Aimer l’image que l’on se fait d’une personne ?
Tout se passe comme si j’aborde certaines relations nouvelles en attribuant aux personnes des qualités que je souhaitais trouver en elles, sans qu’elles les aient nécessairement. J’apprécie alors ces personnes en partie parce que je les perçois à travers le filtre de ces vertus que je leur suppose.
Lorsque je finis par me rendre compte que ces caractéristiques ne leur appartiennent pas, je vis une déception qui transforme les émotions agréables ressenties jusqu’alors en émotions désagréables. Plutôt que d’avoir envie de me trouver en présence de cette personne ou d’entendre ses conseils, je passe dans un mode suivant lequel je souhaite de moins en moins me retrouver en sa présence.
Aimer une personne pour ce qu’elle est vraiment ?
Cette réflexion m’a conduit à comprendre toute l’importance d’aimer les autres dans ce qu’ils sont vraiment plutôt que d’aimer ou de haïr l’image que je me fais d’eux. Cette prise de conscience m’a conduit vers la maxime « aimer les yeux ouverts » comme fil conducteur pour réfléchir à mes attentes et dispositions envers autrui, ainsi qu’aux conditions suivant lesquelles je m’engage (ou parfois refuse de le faire) dans ce que la Bible appelle l’amour.
« Aimer les yeux ouverts » signifie pour moi aimer la personne qui est devant moi en m’efforçant de la considérer sous l’angle de ce qu’elle est vraiment plutôt que dans la perspective de ce que je souhaite que cette personne soit. Cela implique d’accepter que même celles de mes attentes qui sont les plus légitimes envers elle puissent être déçues; par exemple, lorsqu’un enseignant ne maîtrise pas ce qu’il est chargé de m’apprendre ou lorsqu’un mentor manque de sensibilité au regard que je porte sur la vie.
Aimer l’image que l’on se fait de nos leaders chrétiens ?
Je me suis rendu compte que quelque chose de cet ordre s’était produit dans mon rapport aux premiers leaders chrétiens qui ont tenu un rôle de mentor et des fonctions de directeurs dans mon parcours de foi chrétienne. Je m’attendais à ce qu’ils incarnent les valeurs chrétiennes dont ils transmettaient les fondements. Mon admiration pour eux s’est éteinte, lorsque j’ai fini par me rendre compte qu’ils n’étaient pas nécessairement à la hauteur de toutes les attentes que j’avais envers eux.
Aimer l’image que l’on se fait d’un groupe, chrétien ou non ?
Dans le cadre de cette réflexion, j’en suis venu à comprendre, peu à peu, qu’il m’arrivait parfois de projeter sur un groupe les qualités que je souhaiterais y retrouver. Que le groupe soit une grande collectivité, comme le milieu évangélique en général, ou un sous-ensemble de ce milieu, comme une église locale en particulier, n’y change rien.
Les principes sont les mêmes pour les regroupements séculiers que pour les regroupements religieux. Il m’est arrivé de comprendre un groupe auquel j’appartenais en fonction des besoins que je ressentais face à ce groupe plutôt qu’en fonction des personnes elles-mêmes dudit groupe.
Aimer, non pas aveuglément, mais avec les yeux grand ouverts !
Cette réflexion me conduit à passer d’un amour que l’on nomme parfois « aveugle » à un amour qui intègre la pleine conscience de qui est l’autre sans en exclure les tendances désagréables ou perturbantes pour soi-même. Le plus étonnant à propos de ce que je tente de décrire dans le présent article est d’avoir maintenant l’impression que mon Dieu a enfin répondu à ma prière d’antan fondée sur l’épître aux Éphésiens, que je puisse parvenir à être capable d’aimer vraiment. Le leitmotiv « aimer les yeux ouverts » me conduit et me maintient dans cette voie qui par le passé échappait à ma compréhension et à ma capacité concrète d’intégration spirituelle. Jésus nous aime avec les yeux grand ouverts.
Cet article est tiré de mon essai autobiographique, Dieu et moi, © 2013-2015, accessible gratuitement en format PDF à la section Qui suis-je ? de Savoir et croire .ca. Depuis le 17 novembre 2016, l’article peut également être consulté sur le site du Journal chrétien.
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Daniel Garneau,
B Th, B Com, MA,
publié le 12 mai 2015, révisé le 7 février 2018