En lisant 1 et 2 Timothée et Tite, on est en droit de se demander à quelles hérésies répondaient ces épîtres dites pastorales de Paul.

Dans la section «Une grave préoccupation : les faux docteurs» (p. 18-21) de son introduction générale (p. 13-49) aux épîtres pastorales, Samuel Bénétreau (*) apporte, quelques éléments de réponse à la question en titre, dont voici quelques extraits :

• «Pourquoi l'auteur adresse-t-il ces lettres à ses collaborateurs? Globalement, on est en présence d'une série de recommandations et d'instructions diverses visant les deux destinataires et, par leur moyen, les Églises et leurs responsables. Mais, l'opportunité des exhortations se rattache, pour une bonne part, à la menace que fait peser la présence et l'activité de faux docteurs, de prédicateurs d'un "autre Évangile"» (p. 18).
• «L'enseignement dénoncé, que Paul ne prend pas la peine de décrire avec précision, est, semble-t-il, à peu près le même dans les trois lettres. La situation est assez grave pour que ce danger soit mentionné dès le début de 1 Timothée (1.3) et que la première directive apostolique s'y rapporte : enjoindre à certains de ne pas enseigner une autre doctrine. La dernière exhortation est du même ordre : [1 Tm] 6.20-21» (p. 18).
• «[... Il] sera judicieux de se demander, pour chacun des développements, s'il n'y aurait pas, au moins en arrière-plan, une volonté de s'en prendre à un enseignement ou à une attitude érronés» (p. 19).
• «Paul s'en prend non seulement à des thèses, mais aussi à un type de discours : "des fables" (2 Tm 4.4; Tt 1.14), l'illusion d'une "pseudo-science" (1 Tm 6.20) alimentant des discussions (des bavardages!), de "vains discours", des controverses, des "querelles de mots" (cf. 1 Tm 1.4,6; 6.4,20; 2 Tm 2.14,16,23; Tt1.10; 3.9) » (p. 20).

Dans son excursus «La menace des faux docteurs» (p. 194-200), après avoir commenté 1 Timothée 4.1-5, S. Bénétreau (*) précise :

• «Le but clairement formulé de l'auteur est d'équiper les Églises pour les rendre aptes à faire face à une menace prise très au sérieux, l'action de faux docteurs dont on pressent qu'elle a déjà obtenu et risque d'obtenir de notables succès» (p. 194).
• «La vigueur des dénonciations laisserait attendre un exposé nourri et clair de leur entreprise. On est déçu, dans une large mesure. D'un côté, une ligne de démarcation stricte est établie entre "la saine doctrine" et les discours erronés et fumeux des opposants, de l'autre, on enregistre l'absence d'une information tant soit peu systématique sur leur théologie et sur leurs pratiques. Les reproches sont épars, peu précis et pas toujours argumentés. Il est donc ardu de se faire une opinion sur la nature du danger. On peut au moins rassembler les quelques indications [...] et rechercher une cohérence» (p. 194).

Dans ce même excursus «La menace des faux docteurs» (p. 194-200), après avoir résumé la thèse gnostique (p. 195-197) dont «les éléments distinctifs et déterminants, selon Roloff, sont une attitude négative à l'égard du monde matériel, nourrissant un ascétisme, et le goût pour la spéculation et l'ésotérisme, éléments caractéristiques de la pensée gnostique» (p. 195), puis, après avoir également critiqué cette thèse comme ne faisant pas l'unanimité parmi les spécialistes (p. 197-198), Samuel Bénétreau (*) écrit : «On en arrive à des traits qui ne sont pas clairement dessinés dans les épîtres, mais qui font l'objet de déductions plus ou moins plausibles, à utiliser avec prudence : 1) À partir de la conviction d'une résurrection déjà acquise, certains ont conclu à un « enthousiasme » de type corinthien, se détournant des contingences terrestres pour jouir de la vie de l'Esprit. Mais, si l'Esprit n'est pas ignoré dans les épîtres, il n'est pas spécialement mis en évidence. 2) Les faux docteurs auraient, dit-on, milité en faveur d'une promotion des femmes, les poussant à enseigner dans l'Église, ce qui expliquerait l'interdiction qui leur est opposée ([1 Tim] 2.11-12. Mais ce n'est pas dit clairement, et la suite du passage (2.12-14) ne confirme pas spécialement cette thèse. 3) Il y aurait une contestation de l'action missionnaire auprès des païens, par sensibilité au privilège des Juifs. C'est l'insistance sur un salut destiné à « tous » (1 Tim 2.4-6; 4.10; Tt 2.11) qui conduit à ce genre de proposition, mais les textes ne sont pas si explicites sur ce point. 4) Il faut résister à la tentation de tirer de Tite 3.5 et de 2 Timothée 1.9 l'idée d'une valorisation, chez les faux docteurs, des « oeuvres de la loi », de l'obéissance aux règles du judaïsme (l'idée paraît plus générale : l'inaptitude des œuvres humaines à assurer le salut). 5) On a encore envisagé une pointe anti-docète en 1 Timothée 2.5 ou même 1 Timothée 3.16. La base textuelle est faible» (p. 198).

Puis, Samuel Bénétreau (*) conclut ainsi son analyse : « L'hypothèse gnostique apparaît non seulement inutile mais gênante, car elle risque de fausser la perspective. Il suffit de voir dans l'hérésie dénoncée un assemblage, sans doute pas très homogène, d'éléments Juifs et chrétiens, auxquels s'ajoutent des emprunts à un courant ascétique. [...] Il est frappant de constater que, dans ses premières lettres, Paul doit déjà lutter contre les mêmes tendances (place faite à la Loi, ascétisme, négation d'une résurrection à venir, contestation par les femmes de certaines "convenances" demandées par le milieu), même si les circonstances font que les accents et les formulations ne se recouvrent pas » (p. 199).

Comment exprimeriez-vous de manière plus simple que dans cet article d'ouverture ce qui se passait à Éphèse et en Crète pour inciter Paul à avertir Timothée et Tite contre les faux enseignants et les faux enseignements ? Quelles seraient selon vous les dimensions de cela qui seraient les plus nocives pour votre situation actuelle dans votre culture ou dans votre Église aujourd'hui ?

Concernant les épîtres pastorales, voir aussi :

• Au Roi de tous les temps ! (1 Tm 1.17);
• Qualités des chrétiens et de leurs dirigeants (1 Tm 3);
• Bien se conduire dans la maison de Dieu (1 Tm 3.15);
• L'Église : la maison de Dieu (1 Tm 3.15);
• L'Église : le pilier et le soutien de la vérité (1 Tm 3.15).

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* Bénétreau, Samuel. (2007). Les épîtres pastorales. 1 et 2 Timothée, Tite. Commentaire évangélique de la Bible (CEB),
Vaux-sur-Seine: Éditions de la Faculté libre de théologie évangélique, 456 p.