La vie intime ne peut être vécue au regard des seuls savoirs relevant de faits indubitables, comme dans le Discours de la méthode de René Descartes ou dans les méthodes des sciences de la nature dont les principes sont aussi appliqués à plusieurs autres domaines du savoir. La foi chrétienne se situe pour moi non pas parmi les savoirs indubitables qui peuvent être obtenus par une démarche scientifique, mais dans la sphère de l'intimité, comme l'amour. Je ne sais pas que je suis apprécié d'une autre personne ou que j'aime cette autre personne de la même manière que je peux connaître le poids d'un atome. Il n'existe pas de variable qui puisse être isolée de toutes les autres afin de ne retenir que ce qui est absolument certain. La foi chrétienne, tout comme l'amour humain, repose toujours donc pour moi sur une dimension qu'il est impossible de cerner avec des instruments de mesure et d'affirmer qu'elle est sans faille.
Ainsi en est-il de l'amour dont je suis le bénéficiaire de la part de qui que ce soit, ainsi en est-il de l'amour que je voue à autrui : toujours empreint d'une certaine dose d'incertitude, d'éléments étrangers s'apparentant bien plus au souci de soi qu'à celui de l'autre. Bien des livres le diront, la recherche d'un amour parfait est vaine et malsaine, car il n'existe pas. Il en est ainsi de la foi, fut-elle en une méthode, en l'humanité, ou en Dieu. Aussi longtemps qu'elle nous paraît parfaite et sans tache, c'est qu'aucune circonstance assortie d'un choix personnel ne nous a conduit à la remettre en cause pour en comprendre les limites dans notre propre vie. Ainsi en est-il de mon rapport à la foi, une foi faite d'assurance et de confiance, mais empreinte aussi de doutes et d'incertitudes, car la foi ne peut exister sans la distance du doute, comme l'amour ne subsiste qu'en accueillant les imperfections qui en constituent les bornes.
La compréhension que j’ai de ce qu’est l’amour et le rapport que j’entretiens avec les gens que j’aime se sont transformés au fil de ma vie. Il en est également ainsi de ma foi chrétienne. La compréhension que j’en ai et la manière dont je la vis se sont métamorphosées au fil des ans. Schématiquement, on pourrait dire qu’il y a eu d’abord une période de rejet de la religion de mon enfance et de mon adolescence, suivie d’un questionnement sur Dieu et de mise à l’épreuve de Dieu, puis d’une période de quelques années durant lesquelles je me déclarais agnostique. Je croyais que l’on ne pouvait savoir si Dieu existait ou n’existait pas. Ma foi était donc au neutre ou inexistante. Cette période a été suivie d’un engagement au Christ dont je ne me suis jamais désisté par la suite, mais qui a été caractérisé par quatre attitudes dominantes distinctes : espoir sans bornes; exigence envers Dieu; découragement face à moi-même; intégration spirituelle.
Seriez-vous en mesure d'identifier des périodes troublantes dans le cadre de votre parcours de vie chrétienne ? Reconnaissez-vous l'irruption de Dieu dans les circonstances de votre vie ? son intervention directe ? le déploiement de sa bienveillance à votre égard malgré des circonstances que vous percevez par ailleurs comme ténébreuses ? Admettez-vous les limites de votre foi ? Demandez-vous au Seigneur qu'Il vienne au secours de votre foi ?
Adapté de Récit et interprétation d'un parcours éducatif, p. 103-107; aussi accessible sur Comment sait-on?