Le premier appel de tout croyant consiste à aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces, puis son prochain comme soi-même. C'est ce que dit Jésus (Mt. 6:34-40), s'appuyant sur Moïse (Deut. 6:5; Lév. 19:18). Or j'avais cru pouvoir parvenir à un certain degré de maturité spirituelle à force d'obéir à la Parole de Dieu. J'ai éventuellement compris que j'avais fait de l'obéissance à Dieu par ma conduite une fin en soi plutôt que de voir dans le renouvellement de ma pensée et de ma conduite le parcours à l'intérieur duquel et par lequel s'exprimait mon amour pour Dieu et en faveur du prochain.
Je crois aujourd'hui que je prenais le fruit pour l'arbre, la branche pour la racine, l'effet pour la cause. Je voulais obéir à Dieu et que ma vie reflète cette obéissance dans une manière d'être qui s'inscrive en pleine cohérence avec les enseignements des Écritures. Je voulais être un modèle dans ma conduite personnelle et dans ma relation conjugale. C'est ce que j'appelle, selon les contextes, « maturité » ou « sainteté ». C'est ce qui fonde ma capacité de vivre mon quotidien dans la paix et la joie d'une intimité avec Dieu ressentie.
Je ne me préoccupe plus d'essayer de juger du degré de maturité ou de spiritualité auquel je serais parvenu, bref d’évaluer où j’en suis. Je me contente de vivre au meilleur de mes capacités sans plus. La Parole est en cela mon guide, mais lorsque je pèche, je n'y vois plus un indice d'échec. Au contraire, j'y reconnais la grâce de Dieu par son pardon et l'accueil qu'il m'offre. Commettre un péché ne déclenche plus un orage violent et interminable dans l'horizon de ma vie, mais un nuage qui passe, immédiatement chassé par le Souffle de Dieu mon Père, par l'Esprit du Seigneur Jésus, le Christ de Dieu, mon Rédempteur, mon Sauveur, ma Vie !
Par exemple, je me dis parfois que je ne suis pas du tout certain d'aimer Dieu comme il se doit ni mon prochain comme Dieu le souhaite, puisque ma vie est orientée sur tout ce qu'il y a de plus normal. Il m'arrive de temps à autre de sortir de mon chemin pour aider quelqu'un, notamment dans le cadre de mon travail, en m'exposant à des risques socioprofessionnels. Il y a quelque chose de l'amour du prochain quand je défends quelqu'un contre une injustice, ou que je reprends quelqu'un qui agit mal, à l'occasion. Mais en général tout ce que je fais s'inscrit dans un cadre naturel du respect et de l'amour des proches. Je constate aussi parfois, qu'il y a quelque part au fond de moi une certaine crainte de ce que pourrait signifier concrètement cet amour du prochain dans un cadre plus vaste; une crainte de ne pas être à la hauteur des attentes de Dieu.
Mais que puis-je donc faire d'autre que de venir à Dieu tel que je suis vraiment ? Nul ne peut venir à Dieu tel qu'il n'est pas, ni moi non plus. Je dirais que c'est en cela même qu'une transformation majeure s'est installée à demeure en moi. Quand je me sais coupable devant Dieu, c'est à l'ombre de la croix que je me réfugie. Christ me protège ainsi des orages de ma propre angoisse devant l'existence que je mène. Cela n'exclut pas des moments de tristesse, mais la joie et la paix dominent généralement. Je me sais aimé de Dieu, accueilli par Lui, pardonné de mes péchés, guidé dans ma vie. Je crois ressentir en moi une sorte de force qui me semble provenir de l'Esprit de Dieu. Cela se présente parfois comme un sentiment de grande joie, comme une sorte de plénitude.
L'effet sur moi de cette nouvelle manière d'être est immense, car je me sens en général bien en moi-même, plutôt que dominé par un sentiment de ne pas être à la hauteur lequel indiquerait soi-disant un manque d'authenticité flagrant dans ma foi chrétienne. Cette attitude, adoptée depuis quelques années, m'aide aussi à être en général beaucoup plus ouvert aux personnes tout autour de moi, à prier pour elles, à prier avec elles. Elle me sert d'appui pour encourager ceux qui m'entourent à accepter leurs limites et lacunes, à s'en remettre à Dieu pour leur faire face, à considérer qu'ils sont acceptés de Lui malgré tout. Cette manière d'être me conduit à un plus grand calme, à une plus grande sérénité, devant des situations de vie capables de me mettre dans un état diffus d'agitation intérieure.
Prendre le fruit pour l'arbre ? la branche pour la racine ? l'effet pour la cause ? N'est-ce pas ce que nous faisons parfois dans notre désir d'atteindre la maturité chrétienne ? Pourquoi ne nous partageriez-vous pas en quoi votre expérience rejoint la mienne ou s'en distingue sur des points précis ? Le but de ce partage serait d'édifier les personnes lisant les textes de ce forum et qui traverseraient une crises dans leur parcours de foi.
Se pourrait-il que votre aspiration-même à la maturité chrétienne constitue parfois un piège pour vous ?
Adapté de Dieu et moi - Essai autobiographique, p. 70-73; aussi accessible sur Formation par l'autobiographie.